Avis de l'Anses sur les valeurs toxicologiques de référence

Visuel
aasqa

Publié le 2 mars 2023

Contenu
Contenu

L'Anses a publié un nouvel avis et rapport relatif à la recommandation de valeurs toxicologiques de référence (VTR) par voie respiratoire pour l’exposition à long terme aux particules de l’air ambiant extérieur (PM2,5) et à la faisabilité d’élaborer des VTR pour le carbone suie et les particules ultrafines. 

Contexte

Les études quantitatives des risques sanitaires liés à l’air ambiant permettent d’estimer les impacts et d'informer la population des risques potentiels sur la santé dans le cadre par exemples des études d'impact des infrastructures routières (Anses 2012) et dans le cadre de la réalisation d'études d'impact pour des installations classées pour la protection de l'environnement. Pour réaliser de telles évaluations des risques, il est indispensable de prendre en compte les particules en suspension et donc de disposer de valeurs sanitaires de référence, telle que des valeurs toxicologiques de référence (VTR).

Aucune VTR portant stricto sensu sur les particules de l’air ambiant n’a été identifiée. La seule VTR identifiée se rapprochant d’une VTR pour les particules de l’air ambiant est une VTR à seuil élaborée par l’US EPA1 en 2003 pour l’inhalation d’émissions d’échappement Diesel, comprenant gaz et particules (US EPA 2003).

En l’absence de VTR, la méthode disponible et employée jusqu’à présent était de comparer les données de concentration dans l’air ambiant à des valeurs de référence sanitaire comme celles établies par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) ou à des valeurs réglementaires. Ces valeurs apportent des points de repères mais ne sont pas des VTR et ne permettent pas d’estimer quantitativement les risques sanitaires associés à une exposition donnée.

Dans ce contexte, l’Anses s’est autosaisie le 9 novembre 2019, sur avis favorables des comités d’experts spécialisés « valeurs sanitaires de référence » et « évaluation des risques liés aux milieux aériens » et dans le cadre du programme de travail de la mission d’expertise sur les VTR de l’Anses, afin de fixer des VTR pour les particules de l’air ambiant. Il s’agissait plus particulièrement :

  • pour les PM10 et les PM2,5, de déterminer la faisabilité de construire des VTR pour des expositions à long terme et court terme et, le cas échéant, de construire les VTR,
  • pour le carbone suie et les particules ultrafines, de déterminer la faisabilité de construire des VTR pour des expositions à long terme et court terme.

Conclusions

L’Anses endosse les conclusions et recommandations du CES « Valeurs sanitaires de référence » portant sur l’élaboration d’une VTR long terme par voie respiratoire pour les PM2,5 de l’air ambiant, ainsi que sur l’étude de faisabilité de construction de VTR par voie respiratoire pour le carbone suie et les particules ultrafines de l’air ambiant.

L’Anses souligne à cet égard que la VTR recommandée concerne la fraction d’aérosol appelée PM2,5 considérée pour la mesure des particules de l’air ambiant dans le cadre de la surveillance environnementale, sans spécificité de composition physico-chimique. Dans le cas d’une pollution particulaire ayant une composition physico-chimique spécifique (ex : aérosols de particules enrichies en métaux ou en minéraux issues de source industrielle), des VTR dédiées aux substances chimiques particulaires en question doivent être utilisées quand elles existent et ce en complément de la VTR recommandée ici pour les PM2,5 de l’air ambiant en général.

L’Anses rappelle aussi que la VTR proposée est construite en intégrant des données de mortalité relatives à la France. Elle souligne que la valeur aurait été différente si une autre échelle géographique avait été considérée. Pour illustration, l’utilisation de données de mortalité à l’échelle de l’Union Européenne aboutirait à un ERU de 1,59.10-2 (µg.m-3) -1 au lieu de celui recommandé de 1,28.10-2 (µg.m-3) -1.

L’Anses indique de plus que les PM2,5 sont corrélées à d’autres polluants dans l’air ambiant extérieur. La valeur recommandée permet donc d’intégrer les effets sanitaires des PM2,5 et aussi une partie des effets de ces autres polluants. Cette valeur fournit un outil utile aux acteurs impliqués dans l’interprétation des données de pollution de l’air. Elle permet d’évaluer quantitativement les risques sanitaires liés à l’exposition aux particules fines de l’air ambiant en cohérence avec ceux liés aux substances chimiques. Elle permet ainsi de dépasser la simple comparaison des données de concentration à des valeurs guides ou des valeurs limites règlementaires de qualité de l’air, ce type de comparaison n’exprimant pas une quantification du risque sanitaire. En l’absence de consensus ou de recommandations sur des niveaux acceptables de risque sanitaire lié à l’exposition aux particules de l’air ambiant, et contrairement à de nombreuses substances chimiques pour lesquelles un niveau acceptable de risque de cancer de 10-4 à 10-6 est souvent utilisé dans l’élaboration de valeurs réglementaires, l’Anses n’a pas accompagné sa proposition de VTR par des valeurs de concentrations équivalentes à des niveaux acceptables d’excès de risque individuel (ERI).

A titre d’information, les niveaux d’ERI calculés pour une concentration d’exposition aux PM2,5 équivalente à la valeur guide de l’OMS s’établissent à 5,7.10-2 pour les décès anticipés, et à 5,3.10-3 pour l’incidence de cancer du poumon. Ces niveaux d’ERI sont calculés pour une concentration se situant à la limite du domaine de validité de la VTR et doivent donc être interprétés avec prudence. En effet, la valeur de l’OMS se situe parmi les valeurs basses des concentrations PM2,5 mesurées dans l’air ambiant. Aussi, les données épidémiologiques et le modèle utilisés pour dériver la VTR sont inévitablement empreints d’incertitudes plus importantes à ces faibles concentrations. Comme autre élément de comparaison, l’Agence indique que dans le domaine des rayonnements ionisants et du radon dans l’air, une exposition pendant 70 ans à la valeur limite réglementaire pour l'exposition du public16 correspondrait à un niveau estimé de risque de cancer de l’ordre de 10-3 -10-2 , d’après les relations exposition risque disponibles (Hunter et al. 2015; ICRP 2022) et sous l’hypothèse d’une relation linéaire sans seuil entre exposition et risque.

Au vu de cette situation, l’Agence recommande d’utiliser avec précision la VTR proposée, en étant attentif à ses spécificités.

L’Anses souligne, dans un contexte plus global, le besoin de valeurs de référence (notamment pour le carbone suie et les particules ultrafines) exprimé par les acteurs impliqués dans l’interprétation des données de pollution de l’air, en raison des connaissances de leurs effets sanitaires et de l’absence de valeurs sanitaires et réglementaires sur ces polluants.

L’Agence va donc poursuivre ses travaux d’expertise dans le cadre de sa mission pérenne sur l’élaboration de valeur toxicologique de référence. L’Anses précise que certains développements méthodologiques réalisés dans le cadre des présents travaux seront repris dans la mise à jour du guide d’élaboration des VTR de l’Anses qui est en cours. Le résultat du travail effectué par l’Anses dans la présente expertise est destiné aux évaluateurs de risques, aux bureaux d’étude, aux autres acteurs impliqués dans l’interprétation des données de pollution de l’air, aux pouvoirs publics et, plus largement, à l’ensemble des parties prenantes.

> Consulter le rapport