Audition sénatoriale « Lubrizol deux après, quel bilan ? »

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Publié le 13 octobre 2021

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Ce mercredi 29 septembre 2021, Atmo France et Atmo Normandie ont participé à une table-ronde organisée par la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable dans le cadre d’un « droit de suite » au Rapport de la commission d’enquête sénatoriale de 2019-2020 sur l’accident des usines Lubrizol et Normandie Logistique à Rouen en septembre 2019. Cet article vous propose de revenir sur cette audition et notamment sur les différentes actions menées pendant et après l’incident par les Associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA), détaillées au cours des échanges.

Marine Tondelier, Déléguée générale à Atmo France, a souligné en premier lieu le professionnalisme des équipes d’Atmo Normandie dès les premières heures de l’incident. Leur engagement est allé au-delà des obligations réglementaires des AASQA, et avec une double casquette “salariés d’Atmo Normandie” et “habitants de la zone sinistrée “, ils ont traversé ce moment de manière forcément très particulière, sur un plan professionnel comme sur le plan personnel.

Marine Tondelier est ensuite revenue sur ce qui a été entrepris au sein du réseau des AASQA pendant et après l’événement.

Un rapport “retour d’expérience” a notamment été produit par Atmo Normandie sur l’ensemble de leurs actions liées à l’incendie et à ses conséquences à court, moyen et long terme sur la qualité de l’air.

Une réflexion a également été menée en interne avec toutes les associations de surveillance de la qualité de l’air pour savoir comment gérer ce type de situation sur tout le territoire (métropole et outre-mer). En effet, en dehors des zones où des process existent avec du matériel (comme des canisters) et des équipes formées à ces risques spécifiques, il existe encore de nombreux territoires où le rôle des AASQA dans ce type de situation est toujours en cours de définition.

En février 2020, une note d’Atmo France travaillée avec AtmoSud, Atmo Auvergne-Rhône-Alpes et Atmo Normandie a été remise à l’Etat et aux auteurs des différents rapports sur le sujet. Ce document comporte diverses préconisations qui ont donné lieu à des échanges avec la Direction générale de la prévention des risques (DGPR).

Cependant, le rôle des AASQA n’est à l’heure actuelle toujours pas clarifié et toujours en réflexion au niveau national.
Les choses avancent, par contre, au niveau local, dans les régions où l’AASQA et ses partenaires sont proactifs sur le sujet, et où des process se mettent en place pour anticiper la survenue de futurs accidents ou incidents.

Véronique Delmas, Directrice d’Atmo Normandie, a rappelé que les AASQA ont un agrément pour la surveillance de la pollution chronique mais qui ne couvre pas la gestion des pollutions accidentelles. Cela ne les empêche pas, comme sur d’autres polluants non-réglementés, de s’investir sur le sujet. En effet, dans les équipes, il existe des compétences (métrologie, communication, modélisation…) et des professionnels qui ont à cœur d’apporter leur expertise, de documenter les événements et d’informer au mieux la population. Sur ce dernier point, les AASQA sont par exemple très attendues sur la communication liée à la qualité de l’air en tant qu’organismes indépendants et de référence sur le sujet.

Au moment du précédent incident de Lubrizol en 2013 qui avait déjà révélé des problèmes notamment de communication, Atmo Normandie, AtmoSud et Atmo Auvergne-Rhône-Alpes se sont portées volontaires pour mener une expérimentation qui a conduit à des propositions concrètes concernant l’organisation, l’expertise et la communication qui ont été transmises à la DGPR en 2016. Après plusieurs réunions sur cette expérimentation avec le ministère en charge de l’environnement, aucun process national n’a été mis en place avec les AASQA, contrairement au niveau local où des partenariats ont été définis comme c’est par exemple le cas entre Atmo Normandie et le SDIS de Normandie depuis 2017, collaboration qui a permis aux pompiers d’utiliser des canisters et d’effectuer des prélèvements rapides lors de l’incendie de 2019.

D’autres prélèvements et systèmes d’analyse de l’air et des odeurs ont été mis en place par Atmo Normandie, en partie en autosaisine. Par exemple, la mise en ligne de la plateforme ODO pour le signalement des nuisances olfactives, développée par Atmo Hauts-de-France, a permis aux habitants de s’impliquer et être actifs.

Une rubrique spécifique a également été mise en place sur le site web d’Atmo Normandie pour présenter les résultats des mesures liées à l’incendie, puis un rapport d’étude.

Véronique Delmas a également évoqué les différentes réflexions menées depuis septembre 2019. Tout d’abord, une réflexion interne au réseau des AASQA a été menée sur plusieurs sujets importants et stratégiques. Comment améliorer les mesures ? Comment mieux communiquer sur la suspension nécessaire de l’indice ATMO en cas d’évènement accidentel car il s’agit d’un indice de prévision qui ne peut pas anticiper ce type de situation ? Ce travail de réflexion a notamment conduit à ce que l’arrêté ministériel du 1er janvier 2021 réformant l’indice ATMO prévoit une procédure exceptionnelle, en cas d’incident ou d’accident. Dorénavant, l’indice ATMO ne sera plus suspendu mais il sera indiqué qu’un évènement exceptionnel est en cours.

Une autre réflexion a été lancée par la DGPR et animée par l’Ineris pour mettre en place un dispositif à l’échelle de tout le territoire, composé de camions équipés pour effectuer des mesures. En mars 2021, des chiffrages de l’investissement nécessaire à ce dispositif ont été effectués. A cette occasion, les AASQA ont insisté sur la nécessité de chiffrer également les frais de fonctionnement nécessaires à la mise en place de ce dernier (formation du personnel, astreinte…), ce qui n’est à ce jour pas acquis.

Au niveau local, des échanges se sont par ailleurs multipliés pour anticiper ce type de situation. Il reste cependant nécessaire de clarifier les rôles de chacun, notamment autour de la communication : qui communique sur quoi, qui coordonne, etc ? Les exercices “Plan Particulier d’Intervention” (PPI) traitent peu ou pas la question de la communication. Or c’est un point fondamental : il faudrait des exercices PPI ciblés sur la communication pendant l’événement, et sa coordination.

Les AASQA proposent également la mise en place systématique d’une cellule post accident technologique ou à défaut d’un espace dédié avec des spécialistes de la mesure pour qu’ils puissent échanger rapidement et définir des plans d’échantillonnage. C’est souvent prévu mais rarement mis en place sur le terrain le jour J.

Concernant la recherche, il manque des données toxicologiques. N’ayant pas assez de références sanitaires, il est difficile de répondre aux questionnements sur la santé. La problématique est la même sur la thématique de l’odeur : un manque de connaissances entre les composés et les odeurs, et leur impact sur la santé.

Véronique Delmas et Marine Tondelier ont conclu qu’il y a un besoin de clarification au niveau national sur le rôle attendu des AASQA dans la gestion des situations incidentelles et accidentelles sur l’ensemble du territoire français, et qu’Atmo France reste disponible pour y travailler.

Pour aller plus loin :

> Téléchargez « Vers une meilleure gestion des situations incidentelles ou accidentelles : instruction gouvernementale du 12 août 2014, bilan de l’expérimentation par trois Associations Agréées de Surveillance de la Qualité de l’Air (AASQA) » – Article d’octobre 2016

> Note sur la participation des AASQA à la gestion des situations post-accidentelles – version du 3 février 2020

> Publication du rapport sur l’incendie Lubrizol / NL Logistique d’Atmo Normandie – 7 mai 2021 MAJ LIEN

> Instruction du Gouvernement du 12 août 2014 relative à la gestion des situations incidentelles ou accidentelles impliquant des installations classées pour la protection de l’environnement

> Retrouvez la vidéo complète de l’audition

  • Audition d’associations représentant les victimes de l’accident de l’usine Lubrizol jusqu’à 10’50 avec
  • Sénateur(s) : BELIN Bruno BIGOT Joël CALVET François de CIDRAC Marta DEMILLY Stéphane DEVINAZ Gilbert-Luc FILLEUL Martine GILLÉ Hervé LONGEOT Jean-François MANDELLI Didier MARTIN Pascal MAUREY Hervé PRÉVILLE Angèle VARAILLAS Marie-Claude
  • Intervenant(s) : BRUNET Pierre-Emmanuel (Président ROUEN RESPIRE) De CARVALHO Simon (président de l’Association des Sinistrés de Lubrizol) HOLLEVILLE Christophe (Secrétaire de l’Union des victimes de Lubrizol) LECLERC Bruno (Président de l’Union des victimes de Lubrizol) LETELLIER Robin (Secrétaire de l’Association des Sinistrés de Lubrizol) MANTION Anaïs (Association Rouen RESPIRE)
  • Table ronde réunissant des organismes nationaux spécialisés dans la maîtrise des risques technologiques et la surveillance de la qualité de l’air à partir de 10’54 avec Sénateur(s) : de CIDRAC Marta DEVINAZ Gilbert-Luc LONGEOT Jean-François MANDELLI Didier MARTIN Pascal MAUREY Hervé PRÉVILLE Angèle
  • Intervenant(s) : DELMAS Véronique (Directrice de Atmo Normandie), FAVRE Delphine (Déléguée générale de Amaris), GOUJON Charlotte (Vice-présidente d’Amaris) TONDELIER Marine (Déléguée générale de Atmo France)